Le 19 juillet 2021, le Conseil d’État a rendu un avis sur le projet de loi n° 4386 relatif à la gestion de la crise sanitaire et notamment sur l’article 1er, I, 1°, de ce dernier qui nous intéresse particulièrement puisqu’il concerne le « passe sanitaire ».
« une telle mesure, en particulier lorsqu’elle porte sur des activités de la vie quotidienne, est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes concernées ainsi qu’à leur droit au respect de la vie privée et familiale »
Ledit article vient modifier les dispositions de l’article 1er de la loi n° 2021 689 du 31 mai 2021 (nous aussi, on trouve qu’il y a beaucoup trop de numéros de loi dans cet article…) en prévoyant que le Premier ministre peut, imposer un « passe sanitaire » (dépistage, justificatif de statut vaccinal, certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19) à compter du 30 août 2021 :
aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités d’outre-mer, ainsi qu’aux personnels intervenant dans les services de transport concernés ;
pour accéder l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées des activités de loisirs, des activités de restauration ou de débit de boisson, des foires et salons professionnels, des services et établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux sauf urgence, des activités de transport public de longue distance au sein du territoire national, sauf en cas d’urgence, les grands magasins et centres commerciaux.
Le Conseil d’État rappelle cependant que :
« une telle mesure, en particulier lorsqu’elle porte sur des activités de la vie quotidienne, est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés des personnes concernées ainsi qu’à leur droit au respect de la vie privée et familiale »
et qu’ainsi,
« le fait de subordonner certaines de ces activités à l’obligation de détenir un certificat de vaccination ou de rétablissement ou un justificatif de dépistage récent peut, dans certaines hypothèses, avoir des effets équivalents à une obligation de soins et justifie, à ce titre, un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité, dans son principe comme dans son étendue et ses modalités de mise en œuvre, au vu des données scientifiques disponibles. »
À ce titre, il effectue une analyse des différentes situations dans lesquelles le « passe sanitaire » pourrait être rendu obligatoire et les valide à une exception près : les grands magasins et centres commerciaux.
Le Conseil d’État considère que cette mesure « porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées au regard des enjeux sanitaires poursuivis ».
« justifie, à ce titre, un strict examen préalable de nécessité et de proportionnalité »
En effet, les éléments communiqués par le Gouvernement ne font pas apparaître un intérêt significatif pour le contrôle de l’épidémie alors que cette mesure contraint les personnes non vaccinées à se faire tester très régulièrement pour y accéder bien que ces établissements puissent proposer des biens de première nécessité, notamment alimentaires. Cette mesure est en outre considérée comme créant une différence de traitement entre ces établissements similaires selon qu’ils sont inclus ou non dans le périmètre d’un grand centre commercial.
👩🏻🍳 Et le droit du travail dans tout ça ?
Le projet de loi prévoit que dès lors qu’un salarié souhaite accéder à un lieu pour lequel la présentation d’un « passe sanitaire » est obligatoire, il doit présenter ce dernier à son employeur.
À défaut, son employeur lui notifie par tout moyen la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail ; cette suspension s’accompagnant de l’interruption du versement de la rémunération jusqu’à ce que l’intéressé produise les justificatifs requis.
Dans le cas où cette situation perdurerait pendant une durée supérieure à deux mois, la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail du salarié pourrait être envisagée.
Sur ce point, le Conseil d’État estime que ce dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice de leur activité professionnelle par les intéressés en ce qu’il leur est offert la possibilité de présenter un certificat de dépistage négatif...
Il précise en revanche que concernant les salariés, le projet de loi doit être complété afin de rendre applicable à ce nouveau motif de licenciement les procédures visant à garantir à la personne concernée le respect des droits de la défense.
Nous attendons la suite et ne manquerons pas de vous informer des prochaines actualités croquantes (ou pas) du moment !
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