La révocation d’un dirigeant peut s’avérer nécessaire à la bonne marche d’une société.
Toutefois, évincer un dirigeant de ses fonctions n’est pas toujours chose aisée surtout quand ce dernier à son mot à dire… d’où l’importance d’être bien renseigné. C’est là que nous intervenons !
Le dirigeant
Revenons d’abord sur la définition de dirigeant.
Le dirigeant d’une société est celui qui représente la société à l’égard des tiers et prend les décisions nécessaires à la bonne marche de l’entreprise.
Souvent, ce dirigeant n’est pas seul. Il peut être assisté par d’autres dirigeants et/ou par des organes divers ayant des fonctions de contrôle, de surveillance ou d’aide à la décision en fonction de la forme sociale choisie.
Dans une SARL les dirigeants sont appelés gérants[1]. Ils peuvent diriger seuls ou bien à plusieurs, on parlera alors de co-gérants.
Dans une SAS, la direction peut prendre plusieurs formes : un président assisté d’un directeur général ; un comité de direction etc., la seule obligation légale étant de nommer un Président[2].
La révocation du dirigeant dans une SARL
Dans une SARL la loi prévoit :
Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.
En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé[3].
Comme chez Salades d’Avocates on n’aime pas faire comme tout le monde, nous allons d’abord nous pencher sur le second alinéa de cet article.
Et en le relisant attentivement (oui, relisez-le attentivement) vous allez me demander : mais, qu’est-ce qu’une « cause légitime » ? Un peu de patience, nous allons y venir.
La révocation judiciaire (celle prévue au second alinéa de l’article précité donc) a lieu à l’initiative d’un ou plusieurs associés. Le ou les associés qui en sont à l’origine doivent alors assigner le gérant ainsi que la société devant le tribunal de commerce compétent.
L’associé qui assigne va devoir prouver l’existence d’une cause légitime (on y vient).
C’est là que la jurisprudence intervient pour nous éclairer sur cette notion de « cause légitime ». Constituent donc des causes légitimes de révocation du gérant (vous voyez, je vous avais bien dit qu’on y arriverait) : « la violation des règles légales ou statutaires, le manquement aux obligations du mandat social ou la mauvaise gestion de nature à compromettre l’intérêt social, ainsi que la perte de confiance des associés lorsqu’elle est justifiée par une situation objective »[4].
Ainsi, un gérant qui ne respecterait pas ses obligations en matière de tenue des assemblée générales[5] ou de présentation des comptes annuel[6] par exemple, pourrait se voir révoquer par le juge.
Il en va de même pour un gérant qui détournerait l’argent de la société ou bien dévoilerait un secret de fabrique à la concurrence, entravant directement l’intérêt de la société.
Toutefois, prudence ! Tous les comportements ne justifient pas la révocation, il convient donc de bien aiguiser son argumentaire avant de se rendre devant les tribunaux.
Maintenant que nous avons évoqué la révocation judiciaire, revenons au début de l’article L223-25 du code de commerce. Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l’article L223-29 du code de commerce qui prévoit que « décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales ». Il est toutefois précisé que les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte.
Cependant ce n’est pas la question de la majorité qui nous inquiète, mais plutôt celle du processus. En effet, rappelons que l’assemblée générale des associés est convoquée par le gérant[7]. Même si plusieurs associés peuvent en demander la convocation ou faire inscrire des décisions à l’ordre du jour, la convocation reste à l’initiative du gérant.
Or, mettez-vous un instant à la place du gérant. Accepteriez-vous de convoquer une assemblée qui a pour ordre du jour de statuer sur votre propre révocation ? A moins d’aimer l’humiliation publique personne n’a envie de se retrouver face à plusieurs associés, exposant le pourquoi du comment ils ne vous veulent plus à la tête de la société.
Alors, si le gérant ne souhaite pas convoquer une telle assemblée générale, comment faire lorsqu’on souhaite révoquer le gérant d’une SARL sans pour autant avoir de « cause légitime » ?
La loi a prévu ce blocage et permet alors aux associés de demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée et de fixer son ordre du jour[7].
Nous en convenons, la procédure n’est pas d’une grande praticité : il faut adresser une requête au président du tribunal de commerce, espérer que celui-ci rende une ordonnance désignant ledit mandataire puis attendre de ce dernier qu’il convoque l’assemblée.
Notez toutefois que, si la demande émane d’un associé majoritaire, le juge chargé de procéder à la désignation du mandataire n’a pas à en apprécier l'opportunité[8], la désignation sera donc acquise. Dans les autres cas, pensez à détailler au sein de votre requête les motifs de votre demande.
La révocation du dirigeant dans une SAS
Nous serons beaucoup plus bref en ce qui concerne les SAS.
En effet, dans la société par actions simplifiée, les associés sont libres de déterminer les motifs et le processus de révocation des dirigeants.
Ainsi, les associés peuvent prévoir que le dirigeant sera révocable à tout moment sans juste motif, on parle alors de révocation ad nutum, ou bien au contraire n’autoriser la révocation qu’à la condition de justifier d’un juste motif (c’est le moment de se référer aux fameuses causes légitimes évoquées plus haut).
En ce qui concerne le processus, la décision peut être prise par décision des associés, mais également par tout autres organes prévus par les statuts.
Enfin, concernant la possibilité d’une révocation judiciaire : là encore libre aux associés de l’autoriser ou non !
Vous l’aurez donc compris, pour procéder à la révocation du dirigeant en SAS il faut se référer aux statuts librement rédigés par les associés.
Attention toutefois : cette liberté n’est pas sans limites ! Le juge peut sanctionner toutes révocations qui s’avèreraient abusives (révocation vexatoires, manquement à l’obligation de loyauté, révocation brutale etc.).
[1] Art. L223-18 code de commerce [2] Art. L227-6 code de commerce [3] Art. L223-25 code de commerce [4] CA Paris, 17 mars 2015, n° 14/07179 [5] Cass. 3e civ., 29 janv. 2014, n° 12-29.972, [6] CA Paris, ch. 5-8, 6 août 2019, n° 18/22544 [7] Art. L223-27 code de commerce [8] Cass. com., 6 février 2019, n° 16-27.560
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