La règle est connue : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » (art. L1224-1 du code du travail).
Ainsi, quand on reprend une entreprise, on reprend également les salariés qui y travaillent. Si la règle semble simple, l’acquéreur n’est pourtant pas au bout de ses peines.
Ce transfert peut en effet, par bien des aspects, s’avérer fastidieux. C’est notamment le cas si les salariés viennent d’une entreprise qui n’était pas soumise à la même convention collective que leur nouvel employeur.
Quelle convention collective appliquer ? Comment gérer les différents avantages conférés par les deux conventions collectives ? Existe-t-il une période de transition obligatoire ?
Non vraiment, l’acquéreur n’est pas au bout de ses peines…
La période de transition : le salarié est roi !
En France, le droit du travail est connu pour être très protecteur du salarié et il ne fait pas exception en matière de transfert des contrats de travail.
En effet, le salarié transféré (entendons par là, le salarié qui passe d’une entreprise A soumise à une convention collective X, à une entreprise B soumise à une convention collective Y. Vous ai-je déjà perdu ?) va se voir appliquer un traitement particulièrement avantageux puisqu’il va cumuler les avantages de l’une et l’autre des conventions et ce, pendant toute la période de transition, c’est-à-dire un an.
Le salarié transféré quitte son entreprise : pas question de lui retirer ses avantages !
Il arrive dans une nouvelle société : pas question non plus de ne pas lui accorder les avantages qui y sont applicables !
Et les autres salariés dans tout ça ? Ceux qui étaient déjà présents dans la société B (si, souvenez-vous, celle dont on a parlé tout à l’heure, au moment où je vous ai perdu). Inégalité salariale me diriez-vous ? Aucun souci à ce niveau, la jurisprudence ayant affirmé expressément que le transfert automatique de contrats de travail justifiait l’inégalité de traitement entre les salariés[1].
En principe donc, pas de difficultés, si ce n’est que le nouvel employeur risque de se heurter au mécontentement des salariés présents avant l’arrivée des petits nouveaux.
Si tout semble profiter aux salariés, l’employeur n’est toutefois pas pieds et poings liés. Il dispose d’un outil pour tenter de mettre fin à cette application simultanée de deux conventions collectives : la négociation.
L’heure des négociations : faire prendre la mayonnaise
Seule la négociation d’un accord dit « de substitution » entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise ou, à défaut, les membres du CSE, peut mettre fin à l’application simultanée de deux conventions collectives.
La procédure paraît alors simple, il s’agit de celle applicable aux négociations des accords collectifs[2].
Toutefois, il convient d’y apporter une attention toute particulière. L’accord conclu devra porter sur l’adaptation des dispositions de la convention collective applicable chez l’ancien employeur aux dispositions de celle en vigueur chez le nouvel employeur et devra aborder tous les thèmes prévus par ces accords (oui oui, tous ! À défaut les accords plus favorables applicables chez l’entreprise B continueront de s’appliquer pour les salariés transférés. Ne faites pas cette tête, on a bientôt fini !)
Il convient alors de procéder à une comparaison des deux conventions collectives afin d’identifier les points de négociation qui pourraient être soulevés par les salariés transférés.
Si à l’issue de cette négociation, l’employeur peut réussir à « aligner » la situation des salariés transférés sur celle des autres salariés de son entreprise, il ne faut pas oublier que les représentants des salariés ont le dernier mot. Sans leur accord, l’employeur ne peut s’opposer à l’application, du moins pendant la période d’un an suivant le délai de préavis prévu, de la convention collective applicable chez l’ancien employeur et des accords collectifs qui s’y rapportant.
Or, on voit mal pourquoi des salariés accepteraient de se voir appliquer des dispositions moins favorables que celles de leur ancienne convention collective.
Tout passe alors par une bonne communication de l’employeur. La mayonnaise doit prendre ! L’employeur a alors tout intérêt à insister sur le fait que la période de transition est limitée. En effet, mieux vaut alors pour les salariés saisir l’opportunité de négocier tout de suite leur situation future, en abandonnant certains avantages s’il le faut, plutôt que de risquer tout perdre à la fin de la période de transition.
À défaut d’aboutissement des négociations, l’employeur pourrait se retrouver contraint de verser à ses salariés des avantages bien supérieurs à ce que sa convention collective lui impose, ce qui pourrait s’avérer être un frein à l’acquisition.
Employeurs, vous l’aurez donc compris, en cas de transfert de contrat de travail d’une société A soumise à une convention collective X, à une entreprise B soumise à une convention collective Y (promis c’est la dernière fois), restez attentifs, tendez l’oreille et tentez de convaincre les salariés de s’asseoir autour de la table des négociations.
Salariés, profitez du cumul de miles ! Mais attention, cela ne dure qu’un temps …
[1] Cass. Soc., 7 décembre 2005 n°04-44594 et Cass. Soc., 10 juillet 2013, n°12-11957 [2] Articles L. 2231-1 et suivants du code du travail.
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