En mars dernier, les annonces du gouvernement vous avaient fait grincer des dents lorsque la fermeture administrative de nombreux commerces était décidée.
Quelques jours plus tard, une once d’espoir s’était immiscée en vous lorsqu’avait été annoncée la mise en œuvre de mesures visant à supprimer ou suspendre le paiement de vos loyers commerciaux pendant la période de fermeture de vos établissements.
Mais … Patatras !
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 était bien en dessous de vos attentes ; l’article 4 de l’ordonnance susvisée prévoyant simplement que certains preneurs ne pouvaient encourir « de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce » pour les loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervenait entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Celle-ci était ainsi quelque peu décevante pour le preneur à bail, mais rassurante pour leur bailleur !
Bien évidemment, les contentieux ont commencé à fuser et, dès le 10 juillet 2020, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris rendait une ordonnance faisant renaître, dans le cœur de certains, cette petite lueur d’espoir qui s’était éteinte.
Il y était en effet rappelé que l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 avait pour effet « d’interdire l’exercice par le créancier d'un certain nombre de voies d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 », mais qu’il n’avait pas, « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô ..(je m'arrête là) », pour objet « de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat » (TJ Paris, 10 juillet 2020, n° 20/04516).
" Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi "
Bon, on ne va pas se mentir, j’imagine qu’à ce stade, vous avez des difficultés à comprendre les raisons pour lesquelles cette ordonnance aurait ravivé la flamme qui sommeillait en vous.
Ne vous inquiétez pas ! La clef est là : aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
Il en résulte que les parties à un contrat sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances n’ont pas rendu nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives.
Vous avez besoin d’une traduction ?
Cela signifie que si vous vous rapprochez de votre bailleur pour tenter de renégocier les conditions de votre bail commercial au regard des circonstances économiques actuelles, ce dernier est tenu de vous répondre et d’engager des négociations avec vous.
Plusieurs ordonnances ont par la suite précisé qu’à défaut de telles négociations, le bailleur n’est pas recevable à solliciter le paiement des loyers échus devant le juge des référés (voir notamment, TJ Paris, 26 octobre 2020, nos 20/53713 et 20/55901).
" Le preneur qui décide 'sans entreprendre au préalable aucune négociation avec son bailleur, ni se concerter avec lui' ne peut invoquer, pour s’opposer à une action de son bailleur pour paiement des loyers dus en référés, une exécution de mauvaise foi du contrat par ce dernier ".
En revanche, attention à ne pas suspendre le paiement de vos loyers de votre propre chef sans tenter d’entrer en négociations avec votre bailleur.
En effet, dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Lyon en date du 31 mars 2021 (n° 20-05.237), il a été jugé que le preneur qui décide « de suspendre unilatéralement le paiement des loyers sans pour autant justifier de quelconques éléments comptables pour asseoir sa position, et sans entreprendre au préalable aucune négociation avec son bailleur, ni se concerter avec lui » ne peut invoquer, pour s’opposer à une action de son bailleur pour paiement des loyers dus en référés, une exécution de mauvaise foi du contrat par ce dernier.
On rappellera enfin utilement les dispositions de l’article 1195 du code civil aux termes desquelles (voir sur ce point une ordonnance de référé du TJ Paris, 21 janvier 2021, n° 10/58571) :
"Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation".
En résumé et après toutes ces salades, retenez que pour négocier vos loyers commerciaux, nous vous conseillons de formaliser une demande écrite et précise auprès de votre bailleur en invoquant les dispositions des articles 1104 et 1195 du code civil.

N’hésitez pas à joindre à votre demande les éléments comptables qui démontrent que vous rencontrez des difficultés financières (baisse de chiffre d’affaires, augmentation de votre taux d’effort, baisse de résultat, attestation de chiffre d’affaires, etc.).
Pensez également à rappeler à votre bailleur les différents dispositifs fiscaux et recommandations des principales fédérations de bailleurs visant à l’encourager à vous consentir des efforts !
Et n'oubliez pas, nous sommes là pour vous aider si vous trouvez qu'on vous raconte trop de salades !
Comentários