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Photo du rédacteurYuna Lesteven

Makertplace : quelles obligations ? comment sécuriser son activité ?

Les marketplaces, ces plateformes en ligne facilitant la rencontre entre vendeurs et acheteurs, ont transformé le paysage commercial. Les marketplaces devraient ainsi représenter 36.4% du marché de commerce de détail et e-commerce[1] en 2024 et de plus en plus de commerçants utilisent ces plateformes pour commercialiser leurs produits et services.


Cependant, leur exploitation soulève des questions juridiques complexes : les éditeurs de ces plateformes doivent naviguer dans un cadre législatif en évolution, comprenant des obligations spécifiques en matière de responsabilité, de conformité et de transparence.


Je vous donne ici la recette pour vous lancer dans l’exploitation d’une marketplace en limitant les risques.


Responsabilité des Marketplace : attention au statut d’éditeur !

La responsabilité de l’exploitant d’une marketplace se distingue selon qu’il est considéré comme hébergeur ou éditeur.


La jurisprudence a tendance à considérer l’exploitant d’une marketplace comme hébergeur (jurisprudence eBay[2]). En qualité d’hébergeur, l’exploitant bénéficie d’un régime de responsabilité limitée pour les contenus mis en ligne par des tiers[3] à conditions :


  • De ne pas avoir une connaissance effective de l’activité ou du contenu illicite.

  • Dès la prise de connaissance de cette illicéité, d’agir promptement pour retirer ou rendre l’accès à ce contenu impossible.


Attention néanmoins au risque de qualification en tant qu’éditeur ! Il arrive de plus en plus fréquemment que le régime d’hébergeur soit remis en cause.


Or, un éditeur est directement responsable de tout ce qui est publié sur la plateforme. Par exemple, si une personne propose à la vente un produit ou un service illicite l’éditeur en sera directement responsable, ce qui peut induire une responsabilité pénale.


L’exploitant d’une marketplace risque d’être qualifié d’éditeur dès lors qu’il joue un rôle actif dans la mise en ligne des contenus, de façon à lui donner connaissance ou un contrôle sur les données stockées (exemple Airbnb[4]). Selon la jurisprudence, ce « rôle actif » se traduit par un contrôle effectif des offres et contenus et/ou une réelle connaissance des contenus du fait par exemple de l’intervention de la plateforme dans la présentation et classification des offres.

À retenir : dès la conception de la marketplace, prévoir le régime de responsabilité : éditeur ou hébergeur et, en fonction du régime, mettre en place les garde-fous nécessaires pour limiter les risques de voir sa responsabilité engagée.

Par exemple, mettre en place des mécanismes efficaces de notification et de retrait des contenus illicites (équipe dédiée, outils automatisés…) ou prévoir des procédures de vérification des contenus en cas de qualification d’éditeur.

Obligations de conformité et de transparence de la marketplace

Dans le contexte de croissance constante du modèle P2B « Plateform to business » permettant à des professionnels de vendre en ligne à des particuliers, les plateformes en ligne jouent un rôle important pour de nombreuses entreprises.


Au regard de leur rôle intermédiaire, le législateur a souhaité renforcer les obligations de ces dernières en matière de transparence et d’équité vis-à-vis des utilisateurs, qui incluent les vendeurs et les acheteurs.


Le règlement P2B (Règlement 2019/1150 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d'intermédiation en ligne) impose plusieurs exigences aux exploitants de marketplace, notamment :


  • Les conditions générales de la marketplace doivent être rédigées de manière claire et compréhensible, et mises à disposition de manière aisément accessible ;

  • Les critères de classement des offres doivent être expliqués de manière compréhensible. Vous pouvez vous servir des lignes directrices de la Commission européenne concernant la transparence en matière de classement ;

  • Les motifs de suspension ou de cessation de l’accès au service pour les vendeurs doivent être justifiés et communiqués au moins 30 jours avant l’entrée en vigueur de la décision, sauf en cas d’infractions répétées aux conditions générales ou d’utilisation illicite de la plateforme ;

  • La mise en place d’un système de traitement des plaintes facilement accessible, gratuit et garantissant un délai de traitement raisonnable (obligation renforcée par l’entrée en vigueur du DSA – Digital Service Act le 17 février 2024).


Les marketplaces doivent également lutter activement contre la contrefaçon et les faux avis « fake reviews » (Directive (UE) 2019/2161 transposée par l’ordonnance n°2021-1734), les éditeurs de marketplace sont ainsi tenus de prendre des mesures afin de s’assurer que les avis publiés sur leur plateforme proviennent de consommateurs ayant réellement utilisé ou acheté les produits ou services, de détecter les faux avis et informer clairement les consommateurs à ce titre.


L’attention portée à ces sujets doit être renforcée, car l’on assiste d’une part à un durcissement des sanctions pouvant être prononcées par la DGCCRF (Directive Omnibus, transposée par l’ordonnance du 22 décembre 2021) et d’autre part à un renforcement des contrôles de la DGCCRF.


Amazon a ainsi été condamnée au paiement d’une astreinte de 3.3 millions d’euros pour le retard dans la mise en conformité de ses conditions contractuelles sur Amazon.fr.

À retenir : les exploitants de marketplace sont soumis à des obligations strictes de conformité et de transparence qui doivent se traduire dans leurs contrats. Il est donc impératif de faire revoir vos contrats par un avocat expert en la matière.

Protection des données personnelles sur une marketplace

L’exploitation d’une marketplace rime nécessairement avec « protection des données à caractère personnel » et l’application du fameux RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Les exploitants de marketplace ont ainsi vu leurs obligations sensiblement renforcées.


La conformité d’une marketplace avec cette réglementation passe notamment par :

  • La mise en ligne d’une Politique de confidentialité qui détaille la manière dont la marketplace traite les données des utilisateurs (vendeurs et consommateurs) ;

  • La rédaction de mentions d’information sous les formulaires de collecte des données ;

  • La signature d’un accord complet sur la protection des données entre la marketplace et le vendeur, relatif à l’utilisation des données des consommateurs (conforme à l’article 28 ou 26 du RGPD) ;

  • L’obtention du consentement des consommateurs pour réaliser des actions de prospection commerciale ;

  • La mise en place de mesures permettant l'exercice des droits des utilisateurs, y compris les droits d'accès, de rectification, d’effacement, de limitation du traitement, de portabilité des données et d’opposition ;

  • La mise en œuvre de mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer la sécurité des données à caractère personnel.


Par ailleurs, une marketplace sera dans la plupart des cas dans l’obligation de désigner un délégué à la protection des données (DPO). Si vous êtes concernés, n’hésitez pas à vous tourner vers un avocat DPO externalisé.


Les risques en cas de non-respect de cette réglementation sont élevés. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a renforcé ses contrôles et une procédure simplifiée de sanction permet désormais de sanctionner facilement et rapidement les petits acteurs (jusqu’à 20 000 euros d’amende).

À retenir : le respect du RGPD est un prérequis essentiel pour l’exploitant de marketplace tant les risques sont importants. La réalisation d’un audit RGPD de la plateforme permet de mettre en place les actions pour répondre aux exigences de cette réglementation.

Marketplace et obligations de transition vers une économie circulaire

La loi anti-gaspillage pour une Économie circulaire (AGEC), promulguée en février 2020, vise à réduire les déchets, encourager le recyclage et promouvoir une consommation plus responsable. Le nouveau volet de cette loi, entré en vigueur en 2022, impose plusieurs obligations aux marketplaces opérant en France lorsque celles-ci ont pour objet de faciliter les ventes à distance ou la livraison de produits neufs non alimentaires.


Les marketplaces relevant du principe de responsabilité élargie du producteur (REP) sont tenues de pourvoir et de contribuer à la prévention ou à la gestion des déchets provenant des produits vendus.


Une contribution financière, la reprise des produits concernés et l’information des consommateurs font notamment partie des exigences de la réglementation. Il est néanmoins possible, pour les opérateurs de marketplace, de s’exonérer de ces obligations en prouvant que ces mesures sont mises en œuvre directement par les vendeurs … ce dont ils doivent s’assurer contractuellement. Les justificatifs correspondants doivent pouvoir être tenus à disposition de l’administration dans un registre.


Des règles spécifiques s’appliquent également en matière d’empreinte environnementale du numérique pour les distributeurs d’équipements informatiques et les professionnelles qui proposent des mobiles neufs (loi n°2021-1485 du 15 novembre 2021).

À retenir : lorsqu’elles permettent la commercialisation de produits neufs soumis au principe de responsabilité élargie du producteur, les marketplaces peuvent être directement soumises à des obligations en matière de gestion des déchets si les vendeurs ne les respectent pas. Il est donc très important de contraindre les vendeurs de respecter leurs obligations à ce titre.

Conclusion

Les obligations des marketplaces sont multiples et évoluent constamment au gré des nouvelles régulations et les décisions de justice.


Les opérateurs de marketplace doivent donc rester vigilants et proactifs, en mettant en place des procédures robustes pour assurer la conformité de leur entreprise aux différentes obligations légales.


Une veille juridique régulière et une collaboration étroite avec les équipes juridiques et techniques sont essentielles pour naviguer avec succès dans cet environnement complexe.



[1] Peer-to-peer (P2P) Marketplace Outlook from 2024 to 2034 – Futur Market Insights.

[2] Affaire C-324/09 - L’Oréal SA e.a. contre eBay International AG e.a. 12 juillet 2011.

[3] Article 6-I-2 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004.

[4] TJ Paris, 5 juin 2020, n° 11-19-005405 Airbnb a ainsi été qualifiée d’éditeur par le tribunal, considérant qu’elle a la capacité de vérifier si l’hôte a le droit de proposer à la location un bien ou non, eu égard à son droit de regard et la possibilité qu’Airbnb s’arroge de retirer du contenu à son entière discrétion.

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