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  • Photo du rédacteurMarie Tartuffo

Échanges d’informations entre concurrents ? Gare à l’addition salée.

Dernière mise à jour : 1 sept. 2021


« Salut ! On a trouvé des tomates pas chères, on va les vendre 1€ le kilo dans nos supermarchés. Je te donne le contact du producteur et tu les vends au même prix dans tes supermarchés ok ? Les autres ne pourront jamais s’aligner. » « Top ! On fait comme ça ! »

Et bien non, on ne fait pas comme ça. Cette simple discussion enfreint le droit de la concurrence.


Il n’est pas illicite de partager de l’information mais cela le devient si ce partage produit des effets anticoncurrentiels.


Les échanges d’informations entre concurrents sont interdits lorsqu’ils permettent :

  • une coordination de leur comportement sur le marché ;

  • une réduction de la marge de manœuvre des acteurs du marché ; et,

  • une réduction de l’incertitude du marché.


Pour maitriser les échanges d’informations, il faut connaître les ingrédients.


Premier ingrédient : ne pas exercer d’activité économique !


Tout le monde – ou presque – peut être concerné.


Le droit de la concurrence concerne toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Ainsi, une entité offrant des biens et/ou des services, que cette activité ait ou non un but lucratif, doit respecter le droit de la concurrence.


Les activités à caractère exclusivement social ou relevant des prérogatives de puissance publique sont en revanche exclues.


Personnes physiques, grosses ou petites entreprises privées ou publiques, collectivités, professions libérales, associations à but non lucratif : la suite vous concerne.


Deuxième ingrédient : ne pas divulguer/utiliser d’information ‘game changer’ !


Chaque entreprise doit déterminer sa politique commerciale de manière indépendante, sans concertation avec ses concurrents.


Si l’information que vous vous apprêtez à partager vous parait pouvoir modifier le fonctionnement du marché sur lequel vous intervenez, il convient alors de ne pas la diffuser.


Si vous recevez une telle information, il faut, bien sûr, ne pas l’utiliser, mais aussi immédiatement signifier par écrit à votre concurrent qui vous l’a adressée que vous ne souhaitez pas échanger sur ce sujet car cela est contraire au droit de la concurrence.


Comment faire pour savoir quelles informations partager avec d’autres entreprises ?


Certaines informations sensibles ne peuvent en aucun cas être communiquées, c’est le cas :

  • des données actuelles, récentes, ou futures ;

  • des informations secrètes ou confidentielles ;

  • des données non agrégées ou qui permettent d’identifier les entreprises individuellement ;

  • des données commerciales : comme les volumes de vente ou le prix et tous les éléments s’y rattachant (marges, barèmes, rendement, rabais, primes, coûts et volumes de production, coûts de transport et de logistique, etc.) ; ou,

  • des données sur la structure du marché ou l’homogénéité des produits.


Certaines informations peuvent, a priori, être diffusées et échangées, comme :

  • les données publiques ;

  • les données historiques ;

  • les données statistiques ; et,

  • les données techniques, juridiques, ou financières de portée générale.

Cependant cette liste n’est pas garantie sans grumeaux, il convient d’observer la nature de l’information échangée mais également les caractéristiques du marché en cause.


Ainsi, par exemple, le fait d’échanger des informations confidentielles sur des données passées mais sur un marché oligopolistique est condamné (Cour d’appel de Paris, 26 sept. 2006, Palaces parisiens, 2005/24285).


L’échange d’informations sensibles dans le cadre d’un appel d’offres est également sanctionné. L’Autorité de la concurrence a récemment sanctionné à hauteur de 435.000 € une société du BTP pour des échanges d’informations entre soumissionnaires qui portaient sur « des éléments significatifs du marché (prix des équipements et matériels les plus importants et contenu de l’offre technique) » (ADLC, Décision n° 21-D-05 du 4 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion technique des bâtiments de Lille métropole communauté urbaine).


L’échange d’informations sensibles via une association professionnelle est également prohibé. L’Autorité de la concurrence a lourdement sanctionné trois concurrents et un syndicat professionnel pour avoir, notamment, échangé des « informations confidentielles précises relatives à leur activité leur permettant d’ajuster leur politique commerciale ». Le cumul des sanctions pour ce cartel des revêtements de sols s’est élevé à 302.300.000 € (ADLC, Décision 17-D-20 du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients).


La prudence est donc de mise, particulièrement lors de participation à des réunions entre concurrents, de tout déjeuner, diner, verre, café, ou de toute autre rencontre avec un concurrent : pas d’échanges d’informations sensibles. Ce n’est pas parce que c’est oral que ce n’est pas une violation et que ça ne laisse pas de traces !


Troisième ingrédient : éviter l’amende amère !


En cas d’infraction, la sanction ne sera pas seulement une tape sur les doigts mais une amende amère : jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial de votre entreprise (cf. article L.464-2 du code de commerce).


Et pour les personnes physiques, une sanction pénale pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison et 75.000 euros d'amende (cf. article L.420-6 du code de commerce).


Gardez en tête que :

(i) ce n’est pas parce que tout le monde le fait que c’est possible ;

(ii) les petites entreprises sont aussi concernées ;

(iii) même si c’est bien caché, ça finira par se voir.


Marie Tartuffo

Avocate au barreau de Paris


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