Si vous suivez un peu l’actualité, vous n’avez pas pu passer à côté de l’évènement qui s’est produit jeudi dernier, le 4 avril 2024, devant la 16e chambre correctionnelle du tribunal de Paris.
Une avocate, enceinte de 8 mois et demi, vient demander le renvoi de son dossier aux motifs du stade avancé de sa grossesse et de l’absence de son confrère retenu à deux audiences à Créteil et Nanterre le même jour. Malgré ses motifs légitimes, le magistrat rejette la demande de renvoi.
L’avocate fait alors appel au bâtonnier. La vice-bâtonnière intervient mais le magistrat campe sur ses positions.
L’avocate à l’origine de cette demande, sous le choc du refus, finit par faire un malaise et perd les eaux en pleine audience.
Pour ceux qui sont friands de détails, je vous invite à lire l’article d’Olivia Dufour relatant avec précision les faits de cette affaire.
Au-delà des questions de la relation avocat / magistrat et du droit de la femme enceinte, largement commentés dans de nombreux articles depuis jeudi dernier, cet évènement nous permet de revenir brièvement sur la notion de renvoi.
Il peut arriver que pour des raisons X ou Y, l'avocat ne soit pas en mesure d'assurer une audience à la date indiquée. Par conséquent, lorsqu'il existe un motif légitime de report d'audience, l'avocat peut faire une demande de renvoi.
Attention, cette demande doit être justifiée, il n'est pas question de demander le renvoi car vous n'avez pas su gérer votre emploi du temps !
Sont par exemple considérés comme des motifs légitimes un délai trop court pour répondre aux arguments adverses ou bien une demande d'aide juridictionnelle qui est en cours de traitement.
Le juge est libre d'accepter ou refuser la demande de renvoi. Même si votre confrère ne s'y oppose pas, rien n'est acquis, le juge peut toujours décider de rejeter votre demande et d'examiner l'affaire le jour-même. Pour cela, un seul conseil : prudence !
Trop souvent, lorsque les avocats des parties sont d'accord pour renvoyer, on se rend à l'audience l'esprit libre ou encore pire, on envoie un jeune collaborateur ne connaissant même pas le dossier pour soutenir le renvoi... mais imaginez si la demande est rejetée, s'il faut plaider alors que l'avocat présent n'en est pas capable par manque de connaissance du dossier ou manque de préparation, que faire ? Et bien on s'en mord les doigts et on ne recommence plus cette erreur !
Evidemment, si votre motif est légitime (ou même plus que légitime dans le cas de l'affaire qui nous amène aujourd'hui) et que le magistrat s'y oppose, vous mettant alors dans une situation très délicate, vous pouvez notamment saisir le bâtonnier.
On rappellera que le bâtonnier a pour mission de :
Représenter les avocats, assurer la discipline mais aussi promouvoir les activités de l'Ordre, le bâtonnier exerce une double activité tant en direction des institutions et du public qu'auprès de ses confrères. (site du barreau de Paris)et qu'à ce titre :
Le bâtonnier est le porte-parole des avocats. Représentant le barreau dans tous les actes de la vie civile, le bâtonnier est là pour exprimer l'avis d'une profession en prise directe avec l'actualité. Cette représentation est protocolaire. Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, le bâtonnier transmet également toutes les informations concernant la vie du barreau à ses membres, notamment par la voix du bulletin. (site du barreau de Paris)Si les circonstances l'imposent, le bâtonnier peut donc être contacté pour défendre les intérêts d'un avocat et donc de son client.
On espère que cet évènement désolant permettra de faire réagir et d’éviter à l’avenir ce genre de situation dangereuse.
Pour finir, on rappellera les mots si justes qu'a eu la vice-bâtonnière lors de cet incident : « une consœur enceinte qui demande un renvoi est un sujet majeur qui relève d’une responsabilité collective pour savoir comme on appréhende la femme enceinte dans l’audience pénale. {…} oui un renvoi c’est une perte de temps d’audience, mais la circonstance de la grossesse n’est pas n’importe quelle circonstance ».